On sait, à force de le marteler, que le redressement productif passe aussi par « la compétitivité ». À la mi-septembre, la mission parlementaire d’information sur le CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, va rendre ses conclusions. Le rapporteur de cette mission est le député-maire socialiste de Feyzin (Rhône), Yves Blein. On devrait s’étonner que ledit rapporteur fasse partie de la famille Mulliez par le biais de son épouse, aujourd’hui décédée. On ne s’en étonne pas. Comme les autres entreprises de la Grande Distribution, les enseignes du clan Mulliez figurent parmi les principaux bénéficiaires du CICE. Ainsi, Auchan a touché à ce titre 44 millions d’euros en 2013. Le « bon usage » de cette enveloppe est contesté par les syndicats du groupe : s’agit-il d’un effet d’aubaine pour les comptes d’Auchan, d’un apport au financement de la guerre des prix que se livrent les géants du secteur ou d’une « récompense méritée » pour de véritables créations d’emplois ? Poser la question c’est déjà y répondre. Signalons au passage qu’Yves Blein est gérant de trois sociétés civiles détenant des titres de l’association familiale Mulliez. Ces mandats ne figurent pas sur sa récente déclaration d’intérêts et d’activités transmise à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique !
Selon certains observateurs à la critique légère la floraison des conflits d’intérêts s’expliquerait par l’étroitesse du capitalisme français. Monique Cohen pourrait alors allègrement incarner la quintessence de cette étroitesse. Membre du collège de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF), elle est entrée récemment aux Conseils d’administration de BNP Paribas et de Hermès. L’ennui tient en ceci : le gendarme des marchés supervise le premier et a condamné LVMH, en conflit avec le second.
Un superbe conflit d’intérêt qui pourtant ne fait pas l’unanimité contre lui. Le pedigree « privé » de la dame est connu et n’aurait pas dû passer inaperçu. Depuis janvier 2006, Monique Cohen est membre du groupe d’experts de la Commission européenne sur les fonds de capital-investissement et de capital-risque. Elle avait rejoint Apax Partners en 2000 où elle est en charge des investissements dans le secteur des Services aux Entreprises et des Services Financiers et de l’activité « Business Development ». elle était auparavant responsable « monde des métiers Actions » chez BNP-Paribas. Elle détient les mandats ou occupe les fonctions suivantes : Directeur Général Délégué d’Altamir-Amboise, Administrateurs de Apax Partners MidMarket SAS, Administrateur deEqualliance SA, Administrateur de Finalliance SAS, Administrateur de JC Decaux SA, Membre du Comité de Surveillance de Global Project SAS. Et à l’étranger : Président du Conseil d’Administration de Wallet SA(Belgique),, Administrateur de Buy Way Personal Finance SA (Belgique), Manager (class C) de Santemedia Groupe Holding SARL (Luxembourg). Et d’autres encore… Toute une vie consacrée à la traque boulimique du profit !
Ce dernier cas est tellement emblématique de ce qu’est l’économie moderne. La substance humaine de nos sociétés glisse doucement dans l’entonnoir de la finance prédatrice grâce à la funeste collusion du public et du privé. Vous avez dit gangrène ?
Yann Fiévet
Le Peuple Breton N°601 – Septembre 2014
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