LIBERTÉ DE SOIGNER ET LIBRE CHOIX THÉRAPEUTIQUE

Y aurait-il un super business de la maladie qui ne tiendrait pas compte des patients en souffrance ?
Le Dr Nicole Delépine, cancérologue, responsable de l’unité d’oncologie pédiatrique de l’hôpital universitaire Raymond Poincaré à Garches, pratique avec son équipe une cancérologie individualisée, mieux tolérée et de surcroît plus efficace. Ses résultats parlent d’eux-mêmes : plus de 90% de réussite sur des cancers de l’os chez l’enfant si la prise en charge est immédiate contre 50% ailleurs.
Pourtant les pouvoirs publiques veulent fermer ce service. Pourquoi ? Parce que Nicole Delépine dénonce depuis des années les pratiques des laboratoires pharmaceutiques ? Et qu’elle lutte contre les essais thérapeutiques de plus en plus pratiqués sur des malades atteints de cancer, en particulier les enfants ? Sans doute. Le franc-parler du Dr Delépine dérange…
« Peut-on soigner librement en France ? » manifestement la question vaut la peine d’être posée. Car l’autre question que pose se film est celle du libre choix thérapeutique…

Cancer, business Mortel est un film documentaire réalisé par Jean-Yves Bilien.

Voir l’intégralité du film.

Le service d’oncologie pédiatrique de l’hôpital Raymond-Poincaré, à Garches, a fermé ses portes cet été. Si l’AP-HP se félicite aujourd’hui du transfert de l’unité, les parents témoignent d’une situation inquiétante pour la prise en charge médicale de leurs enfants.

Qu’en est-il aujourd’hui des enfants cancéreux soignés par l’équipe médicale du Dr Delépine ? Cette petite unité de dix lits, qui défend depuis trente ans une approche individualisée des traitements et s’oppose à « l’inclusion systématique des jeunes patients dans des essais thérapeutiques », a fermé ses portes le 7 août dernier.

Dans un climat où la tension n’avait d’égale que la crainte des parents de voir disparaître les traitements prodigués par l’équipe de Garches. Une fermeture « à la hussarde », selon Nicole Delépine, alors que le projet médical de l’unité était protégé depuis 2004 par un contrat avec le ministère de la Santé. En vue d’un transfert dans le service de pédiatrie du Pr Chevallier, à l’hôpital Ambroise Paré. « A moins de 5 km de là où les enfants sont soignés », rassurait alors Marisol Touraine, début juillet, alors que des parents entamaient leur 13e jour de grève de la faim. « Ceux aujourd’hui soignés à Garches continueront de l’être de la même manière, mais pour le reste, les méthodes de traitement de cette unité médicale n’ont fait l’objet d’aucune évaluation scientifique. C’est un risque » expliquait la ministre. En d’autres termes, les pratiques du Dr Delépine ne sont pas conformes aux recommandations des autorités de santé, seuls ceux soignés à Garches continueront de bénéficier des mêmes traitements une fois transférés.

L’AP-HP PROPOSE DES PRISES EN CHARGE PERMETTANT D’ASSURER LA CONTINUITÉ DES SOINS

Vendredi dernier, l’AP-HP publiait un bilan positif de la prise en charge des patients, estimant avoir tenu ses engagements en proposant des solutions au cas par cas selon les volontés des familles : « L’AP-HP a fait appel au réseau des oncologues pédiatres de l’hôpital Trousseau, de l’Institut Curie, de l’Institut Gustave Roussy pour estimer la gravité des situations, traiter les cas les plus urgents, et s’assurer de l’expertise des équipes choisies par certaines familles.» Les 26 mineurs qui nécessitent des soins sont aujourd’hui pris en charge dans différents hôpitaux, sur Paris ou en province, ou dans des Centres de lutte contre le cancer(Institut Gustave Roussy, Curie). Les 101 patients adultes peuvent, s’ils le souhaitent, bénéficier d’un suivi à Paul-Brousse. Deux familles ont demandé que la continuité des soins soit assurée par le Dr Delépine (en retraite depuis cet été mais pouvant exercer), deux autres par un médecin de ville, un seul patient n’a pas indiqué pour l’instant son choix. « Le Pr Chevallier a consacré toute son énergie à orienter et proposer à tous les patients des prises en charge permettant d’assurer la continuité des soins », conclut le communiqué de l’AP-HP.

A en juger les témoignages des parents auprès d’Ametist, l’association qui les représente, les conditions de prise en charge de leurs enfants ne sont pas au rendez-vous pour permettre la continuité des traitements de Garches, « à moins de 5 km », comme promis cet été. Le site d’Ambroise-Paré, centre de proximité, ne peut réaliser de chimiothérapie qui nécessite une hospitalisation de l’enfant, mais uniquement « des traitements ambulatoires et la prise en charge des intercures », comme en atteste le courrier d’un oncologue de l’institut Curie adressé à plusieurs parents. Pour Hélène Godfrin, maman d’Eline, c’est le « premier gros mensonge de l’AP-HP : Le service de Nicole Delépine avait des moyens et des compétences uniques en France. On a transféré un centre de référence sur un centre de proximité », qui n’est pas adapté pour assurer la continuité des soins. Certains parents jonglent aujourd’hui avec deux hôpitaux: l’un dédié aux chimios et l’autre aux intercures. La prise en charge des enfants entre deux cures (alors que leurs défenses immunitaires sont au plus bas) semble aussi poser problème à Ambroise-Paré: personnel non formé à certaines manipulations, air non filtré dans les chambres, manque de personnel, repos difficile au sein d’un service de pédiatrie…

LAURENCE GODFRIN: “LAISSER MA FILLE TROIS SEMAINES SANS CHIMIO REVIENDRAIT À LA TUER!”

Plus grave, des parents témoignent d’une rupture de soins chez leur enfant. C’est le cas d’Eline, qui n’a pu être accueillie à Ambroise-Paré le jour où elle devait recevoir sa chimiothérapie, et dont le premier rendez-vous proposé par un des centres recommandés (l’hôpital Trousseau), tombait vingt jours plus tard. «Trois semaines, dans le cas de ma fille, c’est tout un cycle de chimiothérapie. Sa tumeur peut doubler en dix jours. C’est comme si je la tuais ! », témoigne sa mère. Dans l’urgence, elle a contacté le Dr Delépine qui a prescrit une chimiothérapie orale.

Quant à la poursuite des chimiothérapies de Garches (traitements éprouvés et adaptés à l’état clinique de l’enfant), l’association qui représente les parents fait état d’une « continuité partielle », ce qui soulève chez les parents de nombreuses questions quant à la qualité de la prise en charge de leurs enfants. Plusieurs d’entre eux font part d’échanges démoralisants avec leurs nouveaux oncologues. « Ils ont le sentiment qu’on condamne sans appel leur enfant», rapporte Laurence Godfrin, qui cite le cas d’une jeune patiente condamnée aux soins palliatifs par plusieurs oncologues avant d’atterrir à Garches, où son état a été stabilisé. « L’équipe de Nicole Delépine avait prévu encore trois chimios pour elle. Les oncologues du nouveau centre ont fait comprendre aux parents qu’elle n’avait aucune chance et leur ont proposé de la faire entrer dans une étude de stade 1. Là, on n’est plus dans le soin, on est dans la recherche ! »

LES PARENTS NE RETROUVENT PAS L’APPROCHE PERSONNALISÉE DONT LEUR ENFANT BÉNÉFICIAIT À GARCHES

Selon les familles, les oncologues imposent de nombreux examens avant d’administrer la « chimio de Garches » aux enfants. Les parents se mettent parfois en quête d’un autre centre de référence pour qu’un oncologue accepte de faire la cure dans un délai plus court. L’association témoigne que lorsque les mêmes traitements sont appliqués, c’est une simple photocopie de la dernière cure pratiquée à Garches qui sert de base : des « traitements défigurés » par les habitudes de fonctionnement des nouveaux sites. Ce qui entraîne, selon elle, « une diminution des doses presque automatique et une perfusion sur une plus courte durée, modifiant la tolérance et l’efficacité ». Les parents ne retrouvent pas non plus l’adaptation du traitement en fonction de l’état clinique de leur enfant, gage de réussite selon eux de l’approche personnalisée de l’équipe de Garches.

Par ailleurs, les parents déplorent que malgré les promesses du Pr Chevallier, aucun d’entre eux n’a pour le moment été accepté, comme ça se faisait à Garches, dans les Réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP), où médecins et oncologues discutent du traitement du patient. Pas plus qu’il n’a été possible au médecin choisi par les parents d’assister à ces fameuses réunions où se joue la prise en charge médicale de leur enfant. Enfin, hors de question pour les oncologues de bénéficier de l’avis des médecins de Garches ou de Nicole Delépine.

LA MENACE DE LA DESTITUTION DE L’AUTORITÉ PARENTALE

Laurence Godfrin, inquiète, reprend : « Et si on n’est pas d’accord avec l’avis de la RCP, que se passera-t-il ? On sera prié d’aller voir ailleurs ! Mais où ? Tous les centres appliquent les mêmes protocoles ou les mêmes essais thérapeutiques.» Ces familles ont le sentiment qu’on les ramène aujourd’hui vers les centres qu’elles ont fui. Elles ont presque toutes atterri dans l’unité du Dr Delépine, la plupart du temps grâce au bouche-à-oreille, parce qu’elles refusaient les traitements innovants pour leurs enfants, c’est-à-dire des molécules dont on teste l’efficacité et la toxicité dans le cadre d’essais thérapeutiques. « Avant, on avait le choix, on avait un ailleurs. Aujourd’hui, on n’a plus “d’ailleurs”», poursuit la mère d’Eline, qui tente de contenir son émotion lorsqu’elle évoque, en cas de refus d’un traitement par les parents, la menace de destitution de l’autorité parentale qui plane au-dessus de leurs têtes.

Les familles ont rendez-vous le 29 septembre au Conseil d’Etat. Elles demandent la suspension de la décision de fermeture du service d’oncologie pédiatrique de Garches jusqu’à ce qu’il soit statué sur la légalité de cette décision. Afin que leur soit rendu, disent-elles, le droit pour leur enfant d’être soigné comme elles l’ont choisi.

Retrouvez l’article sur le site de paris Match en cliquant ici.

Le docteur Delépine, dans son service d’oncologie pédiatrique à Garches, proposait aux enfants malades de cancers des soins personnalisés auxquels adhéraient leurs parents. Après avoir fermé le service en août dernier, l’Assistance publique de Paris avait promis une continuité des soins qu’en réalité, elle n’assure pas. Les parents se mobilisent pour l’obtenir. Dans l’Humanité Dimanche.

Ce n’est plus dans les couloirs de l’hôpital de Garches (92) qu’ils se retrouvent désormais, mais, régulièrement, dans ceux des tribunaux. Dans l’un ou l’autre lieu, ils n’ont qu’une obsession à partager : leur enfant, et tout ce qu’ils peuvent mettre en oeuvre pour l’arracher au cancer. Depuis la brusque fermeture du service d’oncologie pédiatrique de Garches, le 6 août dernier, une vingtaine de parents n’en finissent pas de se battre pour que soient poursuivis les traitements établis par le docteur Delépine, qui dirigeait cette unité controversée.

Ni Gustave-Roussy, ni Curie

35 enfants et 101 adultes y étaient suivis, compte l’AP-HP, qui leur avait promis une « continuité de soins ». Qu’en est-il exactement ? Contactée, l’AP-HP appelle à s’en remettre à son communiqué, qui fait simplement état de « prise en charge » dans différents hôpitaux. Les parents qui se réunissaient au tribunal de grande instance le 17 septembre (1) étaient, eux, plus diserts. « Pour l’instant, ma fille continue de recevoir à l’hôpital Trousseau les traitements d’entretien prescrits par le docteur Delépine », témoigne Marie-France. Au moins jusqu’à la prochaine et redoutée réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP), lors de laquelle les soignants décident des traitements à poursuivre. « J’ai demandé à ce que le docteur Delépine y participe,ils ont refusé. Je n’accepterai pas ce qu’ils vont me proposer », annonce-t-elle déjà. Sa fille, Kimberly- Anne, diagnostiquée d’un neuroblastome en 2011, est en rémission grâce au traitement du docteur Delépine. « Après 6 mois de chimio intense et une rechute, le centre Gustave- Roussy nous avait prescrit un traitement oral que nous pouvions poursuivre chez nous, en Martinique », raconte-t-elle. À des doses palliatives, non curatives, selon le docteur Delépine, qui avait alors décidé de prendre le relais.

Brutalité institutionnelle

L’histoire est à peu près la même pour Sabrina, à la différence qu’elle a « sorti » plus tôt sa fille Liya de l’Institut Curie pour intégrer le service de Garches, début 2013. « On m’a alors dit que j’envoyais ma fille dans le “couloir de la mort”, qu’il était désolant d’aller chercher des “chimios de pauvre” alors qu’ils en avaient de bien meilleures à nous proposer », raconte-t-elle, sourire amer. Tous témoignent des mêmes brutalités institutionnelles – peu d’informations, des protocoles maintenus en dépit d’échecs patents, la culpabilisation de s’intéresser à d’autres pratiques –, contrastant avec « l’humanité, l’écoute et la détermination » des soignants du service de Garches. « À Trousseau où nous avons été contraints d’aller après la fermeture de Garches, Hugo subit une série d’examens inutiles, dont certains l’ont traumatisé. Juste pour cocher des cases. Chez le docteur Delépine, on ne faisait que ce qui était nécessaire, et surtout on adaptait », se désole sa mère. « J’ai vu des enfants réagir très différemment au même traitement. C’est pour cela que je ne comprends pas qu’on continue d’appliquer des protocoles qui mettent tout le monde dans le même moule », insiste Nadia (2). « Ma fille avait retrouvé espoir, elle était bien, elle avait repris sa scolarité. Depuis que le service est fermé, je ne dors plus la nuit », confie-t-elle, à l’unisson de ces familles qui avaient peu besoin de ces nouvelles épreuves. Au nom du « libre choix thérapeutique », elles demandent à ce que le docteur Delépine puisse continuer d’exercer à l’AP-HP. Leur combat se poursuit désormais au tribunal, dans la rue, dans les médias.
(1) Les parents ont saisi le TGI de Paris pour récupérer les dossiers médicaux de leurs enfants. Le tribunal se prononcera le 8 octobre. (2) Le prénom a été changé à sa demande.

UN SERVICE DÉRANGEANT

Mouton noir des services d’oncologie pédiatrique, Nicole Delépine a toujours dénoncé l’inclusion trop rapide des enfants dans des protocoles d’essais, dont le plan cancer 2014-2019 entend doubler le nombre. Or, à condition de savoir les utiliser aux bonnes doses, et surtout de les adapter, des thérapies anciennes ont fait la preuve de leur efficacité, dit la praticienne. En particulier pour le traitement des cancers de l’os, où elle affirme obtenir 80 % de survie à 5 ans. Ces chiffres n’ont jamais été soumis à une évaluation, rétorque l’AP-HP, qui a profité de l’arrivée en âge de retraite du docteur Delépine pour fermer ce service dérangeant.

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Article paru dans Le Parisien du 18/09/2014.

Les parents d’enfants qui ont été suivis pour un cancer à l’hôpital Raymond-Poincaré, à Garches, ont saisi la justice pour accéder au dossier médical de leur enfant. L’affaire a été mise en délibéré ce mercredi matin. Le tribunal de grande instance de Paris se prononcera le 8 octobre.

Le 7 août, le service que dirigeait le Dr Nicole Delépine à Garches, à l’hôpital Raymond-Poincaré, a fermé. Cette fermeture, décidée par l’AP-HP pour des raisons de sécurité, est intervenue dans un climat de lourdes tensions. Les enfants hospitalisés à Garches ont été adressés depuis dans d’autres hôpitaux, en région parisienne et en province.

Les parents dénoncent un blocage administratif qui les empêche d’accéder au dossier de leur enfant. Opposés à l’inclusion systématique dans les essais cliniques, les familles réclament de garder la liberté de traitement et de prise en charge qu’offrait à leurs yeux l’équipe du Dr Delépine.

Retrouvez l’article sur le site du journal en cliquant ici.

Affaire Ashya King : les blogs en sont témoins

Malaga, le samedi 6 septembre 2014 – Peut-être est-ce parce que l’histoire commença, omniprésente, répétitive, violente à défiler sur les écrans des chaines d’information en continu en même temps que celle du nourrisson de quatre mois, tué par son père à l’occasion d’une « punition », que l’affaire Ashya King nous est apparue tout d’abord comme une nouvelle illustration de la déraison de certains parents, de leur aliénation, de la maltraitance la plus cruelle dans laquelle les familles peuvent parfois sombrer. L’enfant, cinq ans, atteint d’une « tumeur au cerveau » répétaient les médias du monde entier, avait été « enlevé » par ses parents de l’hôpital de Southampton où il était soigné. Présentée comme des « Témoins de Jéovah », la famille était par cette seule qualification suspectée de vouloir priver ce petit garçon agonisant de soins essentiels pour d’absurdes convictions religieuses. Dès lors, pour cet enfant nécessitant une assistante médicale constante et dont la batterie alimentant l’alimentation entérale pouvait s’épuiser rapidement, une chasse à l’homme était engagée.

Kidnappeur ou parents désespérés tentant le tout pour le tout ?

Mais au fil des heures, alors que des petits films postés sur internet par l’un des frères de l’enfant présentaient la situation sous un jour très différent, l’affaire Ashya King semblait bien moins certainement l’illustration des conséquences dramatiques des croyances sans conscience. Dans une de ces vidéos : « Il explique que les parents avaient cherché à l’étranger un traitement de radiothérapie utilisant des protons (une prontothérapie) que le National Health Service britannique n’était pas en mesure de proposer. La seconde vidéo détaille l’équipement que la famille avait acheté pour assurer à Ashya le même traitement qu’à l’hôpital, y compris un nouveau fauteuil roulant », résume le journaliste et médecin Jean-Yves Nau sur son blog. Dès lors, la tonalité des médias traitant cette affaire, surtout en Grande-Bretagne, se modifia totalement. Concentrées sur les parents, les attaques se portèrent alors sur la police et son éventuel excès de zèle. A l’heure où nous écrivons ces lignes, même si des zones d’ombre persistent quant aux conséquences des traitements envisagés par l’hôpital de Southampton (qui auraient eu pour effet de laisser l’enfant dans un état végétatif selon le père) ou encore sur l’aide proposée ou non par les médecins britanniques pour tenter un autre traitement, il semble que la justice tant britannique qu’espagnole ne soit désormais plus si convaincue de la dangerosité des parents pour l’enfant. Le mandat d’arrêt britannique a été levé et les parents ont été libérés par la police espagnole qui les avait interpellés quelques jours plus tôt (et qui avait alors pu constater que la sonde naso-gastrique continuait de fonctionner). On saura également dans deux jours si la mesure de tutelle décidée au moment de l’arrestation de la famille est levée.

Autoritarisme médical

Au-delà de cet épilogue judiciaire et de l’émotion soulevée (qui a valu en Grande-Bretagne jusqu’à l’intervention du Premier ministre, qui a lui-même perdu un enfant), l’affaire a suscité de nombreux commentaires et réflexions. En France, l’affaire aura notamment eu une résonnance particulière alors que depuis plusieurs semaines une poignée de parents d’enfants atteints de cancer se battent pour le maintien d’un service proposant une prise en charge en marge des protocoles établis. « Cela n’est pas sans rappeler le combat que mènent chez nous des parents suite à la fermeture du service d’oncologie pédiatrique de l’hôpital de Garches » analyse ainsi l’auteur du blog Hippocrate et Pindare. Chacun trouvant facilement dans les spasmes de l’actualité des résonnances avec les sujets qui le taraudent, l’auteur de ce blog, médecin généraliste, voit dans cette affaire une nouvelle manifestation de l’autoritarisme médical, l’un de ses thèmes de prédilection. « Voilà le fond du problème : les parents n’ont pas « obéi » aux médecins qui souhaitait le garder. Qui plus est, ils ont transgressé l’interdiction médicale. Les médecins ont donc saisi la justice accusant les parents de faire courir à leur enfant un danger mortel. Qu’y-a-t-il de présupposé dans cette action : que l’enfant certes gravement malade allait être guéri par les médecins de cet hôpital et que la soustraction de l’enfant par les parents mettait en péril sa guérison et même sa vie immédiate. Que les experts médicaux qui ont agi disent la réalité, qu’ils doivent être de ce fait obéis. (…) Or il semble que la réalité soit tout autre. (…) Cette histoire n’est-elle pas tout simplement la lutte de parents contre le système médical qui veut imposer son « expertise « . Les services de police considèrent qu’ils n’ont fait que leur travail, je cite le commissaire adjoint Chris Shead : « Mais je préfère être critiqué sur notre détermination à agir plutôt que d’avoir à expliquer pourquoi un enfant est mort. Nous avons des experts médicaux qui nous disaient qu’Ashya était en grave danger. Dans ces conditions, je ne vais pas présenter d’excuses « . Et ces « experts médicaux » les interroge-t-on ? Ont-ils quelque chose à expliquer ? Vont-ils présenter des excuses ? C’est très improbable. Des excuses pour quelles raisons, nous diront-ils. Et pourtant ne sont-ils pas responsables de ce qui s’est passé ? N’ont-ils pas surestimé les dangers sur la vie de l’enfant ? Et par là même provoqué cette réaction policière ? N’ont-ils pas menti par omission ou simplification extrême ? Ils n’ont sans doute pas admis que des parents s’opposent à leur autorité médicale » analyse le médecin auteur d’Hippocrate et Pindare.

« Girouettes médiatiques »

Cette critique d’un certain « autoritarisme » médical n’est pas ce qui retient le plus l’attention de Jean-Yves Nau. Il y voit pour sa part une source d’inspiration pour illustrer un sujet qui l’interpelle fréquemment : l’inconstance et l’inconscience médiatiques. Il raconte ainsi comment au moment où l’alerte est donnée : « Les radios répétaient en boucle qu’il était en danger de mort imminente, qu’il ne pouvait se déplacer qu’en fauteuil roulant, qu’il était dans l’incapacité de communiquer, qu’il ne vivait plus que grâce à une sonde bientôt périmée » relate-t-il, rappelant encore comment le 30 août le Sun et le Daily Mail « hurlaient : ‘Trouvez ce garçon’ » et constatant avec dépit : « On a les feuilletons radiophoniques que l’on mérite ». Mais à la faveur des vidéos postées par la famille d’Ashya, du récit du père soulignant sa volonté de gagner l’Espagne pour y vendre une propriété lui appartenant afin de payer un nouveau traitement pour son fils, il observe : « En Grande-Bretagne, les girouettes médiatiques tournent ». Il remarque encore le difficile exercice de communication des représentants de la police britannique se refusant à présenter des excuses ou relève encore le message du Premier ministre David Cameron observant : « Je suis évidemment persuadé que chaque parent cherche ce qu’il y a de mieux pour son enfant ».

Petite leçon juridique

Illustration des conséquences délétères de l’autoritarisme médical pour Hippocrate et Pindare, petite leçon sur le tourbillon médiatique pour Jean-Yves Nau, l’affaire, on ne s’en étonnera pas, cette affaire a inspiré à un autre blogueur, le magistrat Jean-Pierre Rosen, président du tribunal pour enfants de Bobigny, une tirade sur la responsabilité parentale. Puisque la famille d’Ashya a dans son périple traversé la France, gagnée par ferry, le procureur de la République de Cherbourg a cru bon de préciser « qu’on ne pouvait pas soigner un enfant contre le gré de ses parents ». Fallait-il en conclure qu’en France l’affaire n’aurait pas donné lieu à une telle chasse à l’homme ? Jean-Pierre Rosen (qui a écrit une première note avant de connaître l’épilogue de l’affaire) nous invite à plus de prudence dans l’interprétation du droit. « Le propos n’a pu qu’être mal compris car la réalité est autre » assène-t-il avant de détailler : « Bien évidemment les titulaires de l’autorité parentale ont le droit et le devoir de veiller à la santé de leur enfant en leur prodiguant ou en leur faisant prodiguer les soins qui lui sont nécessaires. L’autorité des parents sur leur enfant est une liberté fondamentale. Mais cette liberté souffre des limites au nom de l’ordre public, du bien commun et des valeurs supérieures comme la protection due à la personne humaine. (…) En l’espèce s’il y a un enjeu vital pour l’enfant – et tel semble être le cas pour ce petit bonhomme anglais – peu importe les raisons – idéologiques, religieuses, ou autres – qui veulent que les parents refusent les soins, la justice française est en droit d’intervenir (art. 375 et s. code civil). (…) S’il y a urgence, les médecins n’ont besoin d’aucune autorisation, parentale ou judiciaire. Nécessité commande. Ils engageraient même leur responsabilité pénale en ne prodiguant pas les soins qui s’imposent et risqueraient 5 ans d’emprisonnement (art. 223-6 C. pénal). Ce dispositif ne date pas d’hier. Il avait notamment été élaboré pour faire face aux parents Témoins de Jéhovah qui refusaient des transfusions sanguines. (…) Peu importe que l’enfant soit anglais. Il est sur le territoire français. Il suffit qu’il ait moins de 18 ans – âge de la majorité civile en France – et ne soit pas émancipé. On est dans les clous pour Ashya. Cette solution s’explique non seulement parce qu’il y a un danger en l’espèce vital, mais aussi parce que les parents font un mauvais usage de leur autorité parentale. Au nom de convictions religieuses respectables certes – liberté d’opinion oblige – ils dénient le recours à un traitement qui peut soigner et peut être sauver leur enfant » décrivait Jean-Pierre Rosen (qui à l’époque ne connaissait pas les subtilités de l’affaire). Voilà en tout cas des précisions judiciaires qui conduiront peut-être l’auteur d’Hippocrate et Pindare à penser que l’autoritarisme médical est en France bien protégé, et qui laissent à penser que Jean-Yves Nau pourrait avoir dans notre pays matière pour analyser les revirements de la sphère médiatique. Ouf.

Pour découvrir les analyses de certains blogueurs sur l’affaire Ashya, vous pouvez vous rendre sur :
http://jeanyvesnau.com/2014/09/01/lincroyable-chasse-europeenne-pour-emprisonner-les-parents-dun-enfant-cancereux-2/
http://hippocrate-et-pindare.fr/2014/09/02/malaise-et-interrogations/
http://jprosen.blog.lemonde.fr/2014/08/29/on-peut-soigner-un-enfant-contre-la-volonte-de-ses-parents-576/

Aurélie Haroche

Après la fermeture en août du service d’oncologie pédiatrique de l’hôpital de Garches (Hauts-de-Seine), une manifestation de soutien aux familles et enfants cancéreux se déroule à Drancy, ce samedi, à partir de 20 heures, dans le parc de Ladoucette que la ville met à disposition des organisateurs. Intitulé la Nuit de la photo et de la musique, le concept est proposé par Sandrine Bourbigot avec la participation d’associations comme SOS Lenny et de la cancérologue Nicole Delépine qui dirigeait l’unité de Garches. Des concerts rythmeront la projection de photos sur le thème des libertés bafouées à travers le monde. Des clichés d’Haïti, de Garches, mais aussi de sans-papiers d’Ostende (Belgique) et de Calais seront montrés sur des airs de musique.

L’objectif est également de récolter des dons et, dès 11 heures, ce samedi, des stands d’informations seront présents dans le parc.

 

Retrouvez l’article sur le site du parisien en cliquant ici.

L’oncologie pédiatrique à Garches fermée depuis un mois, le combat juridique continue

Le service d’oncologie pédiatrique de l’hôpital Raymond-Poincaré, à Garches, a fermé le 7 août au soir, sur décision de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Dix-sept enfants ont été transférés ailleurs, en région parisienne, mais aussi à La Rochelle, Troyes, Bordeaux et Toulouse.

Les familles qui soutiennent les méthodes du Dr Nicole Delépine, l’ancienne chef de service mise à la retraite, poursuivent leur bras de fer avec l’administration. Une vingtaine de recours ont été déposés, pour demander la réouverture de l’unité. Le défenseur des droits, Jacques Toubon, a été saisi cet été. « Nous entendons démontrer qu’il y a une discrimination et que les enfants sont en danger », expose Me Emmanuel Ludot, avocat des familles et du Dr Delépine.

Unité unique en son genre

Une audience en référé est programmée le 17 septembre au TGI de Paris. Les parents demanderont à récupérer l’original du dossier médical de leur enfant. « Ils veulent pouvoir maîtriser les soins et imposer un suivi personnalisé », expose Me Ludot.

Les essais cliniques sont au cœur de la polémique. Les parents qui ont fait le choix de confier leur enfant atteint de cancer au Dr Delépine s’opposent à l’inclusion systématique.

Depuis la fermeture de l’unité à Garches, certains parents se plaignent de la prise en charge dont bénéficie leur enfant. « Le Dr Delépine était la seule à moduler les doses de chimiothérapie selon l’état de réceptivité de l’enfant. Certains oncologues, à l’AP-HP, acceptent de dialoguer avec elle, mais d’autres la considèrent toujours comme une sorcière », affirme Me Ludot.

Au mois d’août, le tribunal a accordé au Dr Delépine le droit de cumuler emploi et retraite. « Mais l’AP-HP n’a pas l’intention de rouvrir une unité d’oncologie pédiatrique pour elle, ni à Garches, ni ailleurs », déplore Carine Curtet, porte-parole des familles.

Membre de l’association Ametist, elle se dit choquée que des chimiothérapies aient été décalées dans le temps, lors du transfert des enfants : « Contrairement à ce qu’ont affirmé l’ARS et la ministre de la Santé, il n’y a pas eu de continuité des soins. C’est une perte de chance pour les enfants, quand on sait la rapidité des récidives chez les jeunes enfants. »

Retrouvez l’article sur le site du Quotidien du Médecin en cliquant ici.

Si le service d’oncologie pédiatrique de Garches, en région parisienne, ferme, l’enfant pourrait ne plus bénéficier d’un traitement efficace contre son cancer.

« Complètement anéanti par une chimiothérapie lourde, Armand était même incapable d’ouvrir ses cadeaux de Noël ou de marcher, en décembre », raconte sa mère, Stéphanie Brisset, installée à Longèves, petite commune proche de La Rochelle. Le petit garçon, âgé de 4 ans, est atteint d’un neuroblastome, autrement appelé le cancer de l’enfant, depuis août 2013. « Le CHU de Poitiers nous a proposé un protocole, le meilleur, selon eux, mais ça n’a pas été efficace. »

En mars, la famille s’adresse alors au service d’oncologie pédiatrique de l’hôpital de Garches, en banlieue parisienne.

Lire la suite du témoignage sur le site de Sud Ouest.